ActualitésPublications

Kiosque à journaux, se confiant à Africanews, Alain Kabongo : «Je suis défenseur de la liberté de presse»

Dans une interview accordée aux reporters du tri-hebdomadaire Africanews paraissant à Kinshasa, Kabongo Mbuyi, secrétaire exécutif de l’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique (OLPA) revisite son parcours et celui de l’ONG OLPA, sans hésiter de cracher des vérités sur les dérapages observés dans la corporation des journalistes en RDC.

Ci-dessous l’intégralité de cette interview exclusive à Africanews.

 

Alain Kabongo Mbuyi est secrétaire exécutif de l’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique (OLPA), une organisation de défense et promotion de la liberté de presse basée en RD-Congo. Au-delà de ça, il est juriste de formation, licencié en Droit public de l’Université de Kinshasa (UNIKIN). C’est depuis 10 ans qu’il exerce comme avocat au Barreau de Kinshasa/ Matete. Il est également manager de «La presse du Congo», un hebdomadaire d’informations générales et du média en ligne «lapresseducongo.net». Il a beaucoup œuvré dans le passé comme journaliste reporter au quotidien «Le Phare» où il a presté pendant plusieurs années avant d’arrêter pour travailler à l’agence de presse américaine «Bloomberg». Aujourd’hui, fort malheureusement, il a arrêté avec le journalisme actif pour se consacrer totalement au travail de défense de la liberté de la presse et celui du barreau. Il nous livre sa perception de la presse en RD-Congo.

Q/ Qu’est-ce qui vous a poussé à embrasser la carrière journalistique pendant que vous avez fait les études en droit?

R/ Nous sommes nés dans une famille des journalistes. Notre propre père est un journaliste. Il a créé un journal qu’on appelait «Zaïre Wetu» et aujourd’hui «Congo Wetu», un des vieux journaux de la province du Kasaï Oriental. Aujourd’hui, ce journal fait face à plusieurs difficultés et ne paraît pas régulièrement. Les époques changent. Nous avons grandi dans cette ambiance en lisant régulièrement les journaux. Papa tenait à ce que nous lisions «Forum des As», «As des As», «Le Palmarès». C’est comme un mécanicien qui répare des voitures, il aura toujours des enfants qui deviendront mécaniciens comme lui.

Q/ Malgré le droit, vous avez la passion du journalisme?

R/ Bien sûr que oui, car quand je me suis inscrit à la faculté de Droit, j’avais déjà la passion du journalisme comme je lisais déjà des journaux et je rédigeais des petits articles qu’on publiait dans la presse. J’envoyais mes papiers au journal «Le Phare» et mes articles étaient essentiellement basés sur ce qui se passait à l’UNIKN. Comme j’étais interné au home 30, il y avait des étudiants turbulents et, chaque fois, il y avait des histoires drôles qui faisaient rire. «Le Phare» m’a encouragé à amener plus de papiers et m’a donné une enveloppe. Cette première enveloppe m’a donné beaucoup plus de goût. Et à «Le Phare», il y avait des gens très ouverts, l’éditeur Polydore Muboyayi d’heureuse mémoire, qui corrigeait mes papiers, le rédacteur en chef Jean Kenge et le coordonnateur Kimpozo. C’était pour moi une école et c’est là que j’ai appris à bien rédiger les articles. Bien que né dans une famille journalistique, l’écriture journalistique je l’ai acquise au journal «Le Phare».

Q/ Pouvons-nous dire que le journalisme est pour vous inné?

R/ Ça se transmet aussi par le sang, car, aujourd’hui, j’ai compris que les réflexes du journalisme ont du mal à me quitter malgré tous les efforts que j’ai faits pour mettre le journalisme de côté.

Q/ C’est pour cela que vous avez créé l’OLPA?

R/ Il m’a fallu concilier le droit au journalisme. Avec le barreau soit vous êtes avocat, soit vous n’êtes rien. On ne peut pas être avocat et un journaliste subordonné, c’est incompatible. Pour ne pas abandonner cette passion, j’ai pensé à créer l’OLPA en me disant qu’on peut être un avocat c’est-à-dire défendre le droit du journaliste. Là, on a cette passerelle entre juriste et journaliste. On communique facilement et on n’abandonne pas directement le mode du journalisme, car on va commencer à s’intéresser à eux matin, midi et soir en défendant leurs droits et la liberté de la presse.

Q/ Quelle est la mission de l’OLPA concrètement?

OLPA est une ONG de défense et de promotion de la liberté de la presse en RD-Congo qui existe depuis le 03 mai 2004. Un bureau de coordination des activités de l’organisation dans l’Est de la RD-Congo dénommé «La Maison des journalistes» a été ouvert à Goma au Nord-Kivu en 2017. Ses missions consistent à défendre et promouvoir le droit d’informer et d’être informé, fournir une assistance légale et judiciaire gratuite aux professionnels de la presse dans le cadre de leur travail, militer pour l’amélioration du cadre légal sur la presse, former le personnel des médias sur des notions diverses, publier des rapports périodiques sur le travail des médias et, enfin, participer à l’œuvre du développement de la presse et de la démocratie en Afrique. Ses stratégies sont axées sur la campagne d’alerte, plaidoyer, lobbying, dialogue permanent avec les autorités politico- administratives, publications sur Internet et réseaux sociaux, etc.

Q/ Entre le métier d’avocat et celui du journaliste, que préférez-vous être ?

R/ Je suis déjà avocat et je me sens bien dans cette peau. Depuis 18 ans, je suis défenseur des médias. Quand on dit défenseur, je suis déjà proche du barreau. La passion ici c’est de défendre les autres. Je suis en train de voir ce que font les journalistes, je corrige et je fais des observations à certains journalistes et je leur rappelle certains prescrits légaux. Dire que j’aime le barreau puisque le journalisme c’est un peu exagérer. Pour le moment, j’ai choisi l’avocature comme métier. Je suis aussi défenseur de la liberté de presse.

Q/ A quelles difficultés êtes-vous confronté ?

Les difficultés sont énormes. Le problème de financement. Pour se mouvoir dans ce pays, il faut prendre l’avion. Nous devions organiser un atelier le 22 juillet à Buta, dans la province du Bas-Uélé, on n’a pas pu y aller parce qu’il n’y avait pas d’avion à Kisangani. J’ai passé dix jours sans l’avoir, car les vols étaient annulés plusieurs fois faute de kérosène. Je me dis alors je vais aller à Bunia pour un autre atelier, les avions étaient pleins, il fallait atteindre deux semaines pour faire la réservation. Les frais coûtent aussi. La communication et l’insécurité aussi posent problème. Il y a beaucoup de journalistes à l’intérieur du pays qui n’ont jamais assisté à un séminaire de renforcement des capacités. Le gouvernement ne nous appuie pas.

Q/ Qu’avez-vous observé dans le milieu journalistique RD-congolais ?

R/ Il y a ce phénomène des journalistes communicateurs qui se réveillent le matin et fait le tour des chaînes de télévision comme invités des médias. Cela ternit l’image de la profession. Je pense que les instances d’autorégulations doivent pouvoir s’en saisir. Comme défenseur de la liberté de la presse, ce type de journalistes nous mettent mal à l’aise et on ne sait pas comment les défendre. Un journaliste est reconnu par ses productions journalistiques. Vous allez en reportage, vous réalisez des enquêtes et interviews, etc. C’est tout! Il y en a qui passent tout leur temps à faire le débat sur les plateaux des télévisions. Et si vous cherchez sa production, vous ne la trouverez pas. Les journalistes sont là pour poser des questions et amener l’information qu’ils ont. Ailleurs, on organise des clubs de presse ou des émissions et les gens viennent débattre sur leurs productions. Par exemple quand «RFI» invite François Soudan, c’est pour qu’il explique ce que «Jeune Afrique» a écrit. Mais on ne peut l’inviter débattre sans qu’il y ait une production. Le journaliste ne peut commenter que ce qu’il a produit. Je lance un appel aux journalistes qui exercent un nouveau type de journalisme de revenir à la raison. Aujourd’hui, c’est l’opprobre qui est jeté sur la profession.

Propos recueillis par Veronica KAPINGA

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Bouton retour en haut de la page